La fin de la sidérurgie à Denain
Dans les années 60, la
demande nationale et mondiale d’acier était forte. Les usines
produisaient à plein régime sans se soucier de la compétitivité.
Les outils de production étant saturés, il devenait indispensable
pour satisfaire les besoins, d’augmenter les capacités de
production.
Afin d’abaisser les coûts d’approvisionnement des matières premières
et des coûts de
transport pour les
expéditions de produits finis, la politique
industrielle de l’époque privilégia les investissements dans de
nouveaux complexes sidérurgiques situés en bordure de mer.
C’est ainsi qu’est né à Dunkerque, dans les années 60, une grande
unité de production d’acier, puis, peu de temps après, une autre à
Fos sur Mer.
Pour cette dernière unité, Usinor était réticent, mais devant
l’insistance de Georges Pompidou, président de la république à
l’époque, la grande entreprise
entreprit la réalisation de ce complexe dans le Sud du pays. A
défaut, le gouvernement menaçait de supprimer les subventions que
l’état accordait annuellement...
Le comité de direction de l’époque était partagé entre cette
stratégie et l’autre, qui consistait à investir dans les outils de
production existants, à Denain et à
Longwy notamment. Les investissements auraient
permis à ces usines, d’augmenter
leurs capacités de
production et d’améliorer leur productivité.
Produisant davantage, avec des coûts forcément plus compétitifs, les
nouvelles usines condamnaient forcément à terme celles construites
au début du 20è siècle.
Un autre facteur important est venu également révolutionner le
fonctionnement de l’entreprise : son changement de statut lors
de sa privatisation dans les années 80.
En effet, l’Etat
Providence,
actionnaire principal, a totalement retiré sa participation. Avec un
statut privé, le management de l’entreprise devenait différent.
La privatisation de la sidérurgie française, entraina la mise en
préretraite de nombreux sidérurgistes et la suppression de 20000
postes, principalement à
Longwy et à Denain.
La production française continua d’être assurée par le transfert des
carnets de commandes des usines fermées vers ces usines plus
modernes.
Avec un effectif réduit de 20000 personnes, pour une production
identique, l’économie réalisée était
phénoménale…
Les bilans négatifs présentés chaque année pour obtenir les aides de
l’Etat sont soudain devenus positifs…
Voilà comment l’usine de Denain et ses hauts fourneaux situés à
Escaudain, ont été sacrifiés.
Il est sûr que l’entreprise avait un effectif pléthorique. Il
suffisait de connaître une personne « bien placée » pour
entrer à Usinor.
Mieux : si un individu était un bon joueur de football ou
musicien, ou s’il fréquentait hypocritement l’église du Sacré Cœur à
Denain chaque dimanche,
pour se faire
remarquer par certains membres de la direction qui assistaient aux
offices religieux, la chance d’être embauché était plus grande…
Il faut bien qu’un jour, ces complaisances cessent, car une
entreprise ne peut pas fonctionner indéfiniment en sureffectif. Les
comportements de l’époque,
voire les errements de certains dirigeants, ont
évolué
et la privatisation a mis un terme à cette spirale infernale à
l’embauche non nécessaire.
Si l’on ajoute des investissements absurdes (fours à chaux qui n'ont
jamais produit) et certaines dépenses sans les contrôles budgétaires
mis en place aujourd’hui et d'autres abus qu’il est inutile d’étaler,
« l’étouffement »
progressif de l’usine de Denain contribua à sa disparition.
L’usine rayée de la carte, il resta 3 grandes unités de production
d’acier : Fos, Florange et Dunkerque. Suite à des acquisitions
fusion, Usinor changea
plusieurs fois de noms pour enfin devenir Arcélor… et premier
producteur d’acier mondial. Leader, ce fleuron français n’avait
aucune raison de disparaitre.
Et pourtant, lors d’une OPA hostile lancée par l’indien Mittal,
Arcélor fut rachetée…avec la bénédiction du gouvernement qui criait
haut et fort qu’il était
nécessaire de garder une sidérurgie française...
Depuis ce temps des fermetures d’usines ou d’arrêts de production
temporaire (on sait ce que cela veut dire) se sont enchaînés.
Actuellement, l’usine de Florange est dans le collimateur. Comme les
autres, elle « tombera ».
Restera Dunkerque et Fos. Mais jusqu’à quand ?
Les aciers seront progressivement fabriqués, comme nos automobiles,
dans les pays à bas
coups sociaux.
C .
HOMBERT - juillet 2012